Habiter une ancienne école
Habiter une ancienne école. Marcher tous les jours sur les pierres frôlées pendant des décennies par de dizaines de petits pieds. Toucher les murs qui ont entendu des rires, des pleurs, une vie en communauté. Imaginer d’autres usages aux espaces, plus en phase avec nos besoins, mais sans jamais renier le passé du bâtiment. L’espace public de l’école devient ici un lieu intime, destiné à “the happy few”, ceux qui ont eu la chance d’acquérir un bien autrefois appartenant à la communauté.
Il y a des années, lors de nos vacances en Suède, on s’est perdu dans une forêt en cherchant notre location. En essayant de trouver un endroit identifiable pour demander de l’aide au propriétaire, on s’est arrêté devant un grand bâtiment rouge, sur deux étages, avec de nombreuses fenêtres. Et apparemment on avait bien choisi. “Mais vous êtes devant l’ancienne école!”, il nous annonce au téléphone. Je me rappelle encore de la sensation ressentie à ce moment-là. J’ai imaginé les enfants traverser l’épaisse forêt, parfois sur des chemins enneigés, pour rejoindre ce lieu imposant et austère pour apprendre à lire, apprendre à vivre ensemble, se faire des copains. Pendant notre séjour, nous n’avons jamais réussi à retrouver la route qui emmenait à l’école, la nature commençait à prendre possession des chemins aux alentours, mais son image est restée imprimée sur ma rétine, je la visualise encore aujourd’hui. Sa structure imposante, ce rouge vif de la façade, aucun signe apparent d’abandon … j’ai longtemps rêvé de vivre dans une lieu pareil.
En ce moment je lis “Petites boites” de Yoko Ogawa, l’histoire d’une jeune fille qui aménage dans une ancienne école maternelle encore occupée par le petit mobilier et les objets qui accompagnaient les journées des petits enfants. Encore une histoire de vie dans une lieu insolite, et naturellement l’école suédoise a ressurgit dans ma mémoire. Est-ce que c’est grâce à ces connexions que j’ai découvert “un peu par hasard” les histoires de ces deux anciennes écoles récemment rénovées pour devenir des habitations ? Est-ce qu’on peut véritablement gommer les traces de la vie qui a occupé ces lieux pendant des décennies ? Est-ce qu’on peut vivre dans un lieu aussi chargé de “petites histoires” ?
une ancienne école dans le somerset, angleterre
Un bâtiment en pierre du 19ème siècle, transformé en habitation après la Deuxième Guerre Mondiale, et rénové récemment avec l’ajout d’une extension en bois. Le résultat est harmonieux, notamment grâce au choix du bois de châtaignier, sourcé localement, qui reprend les tonalités des pierres mitoyennes. Malgré ses lignes épurées et contemporaines, l’extension complète le vieux bâtiment en créant un ensemble parfaitement intégré dans son environnement.
L’intérieur reprend les codes des maisons britanniques notamment dans le choix des nuances (très farrow-and-ball) et les boiseries en lambris. Mais certains espaces du bâtiment d’origine laissent encore imaginer la vie de ces lieux lors de leur usage, comme le réfectoire dans l’actuelle cuisine/salle à manger ou encore la bibliothèque sous le haut plafond à la charpente apparente.
projet de rénovation : Bindloss Dawes / photographie : Francesca Iovene
une ancienne école dans les pouilles, italie
Un autre bâtiment en pierre, une école pour jeunes filles construite en 1883 et abandonnée dans les années 60.
La rénovation a réussi à rendre la splendeur simple des masserie, ces maisons typiques de la campagne de cette région du sud de l’Italie. La façade avec son enduit d’origine, patiné et par endroit même abimé; la peinture à la chaux, appliquée dans une unique nuance sur murs et plafonds; le mobilier réduit à l’essentiel et typiquement locale … de nombreux éléments qui mettent en valeur l’architecture du lieu, avec ses plafonds voûtés et ses passages étroits.
projet de rénovation : Studio Andrew Trotter/ photographie : Salva Lopez
Ces deux bâtiments, à l’opposé géographiquement en Europe, ont un passé commun, avec leur mission de formation dans les campagnes respectives de leurs régions, mais surtout une rénovation qui a réussi à ancrer chaque bâtiment dans l’environnement proche, dans le style de leurs régions, dans les couleurs des lieux. Un pont entre passé et futur, entre la fonction public et le cadre désormais privé de ces maisons.
source Dezeen
PS Et si vous avez envie de voir une autre ancienne école transformée en habitation et rehaussée de couleurs, je vous invite à découvrir celle de Joa StudHolme, Colours Curator chez Farrow and Ball, ici